Hommage à l’ethnologue et historien Youssouf Tata Cissé

Karamoko Youssouf, I ni wale

Permettez qu’en prenant la parole ici, je m’exprime au nom de certains collectifs qui tiennent à rendre hommage au professeur Youssouf Tata Cissé qui nous a quittés.

– Il s’agit du réseau de parents et amis, ici représenté par M. Kader Samaké et vous tous ;

– Il s’agit de ses nombreux collaborateurs enseignants-chercheurs, institutions maliennes et françaises confondues ;

– Il s’agit des milliers d’étudiants, enseignants et chercheurs qui l’ont fréquenté ;

– Il s’agit du collectif d’écrivains PEN Mali dont je suis le président… Il s’agit de la communauté des professionnels du livre et de l’écrit.

Le Mali salue aujourd’hui à travers cet homme un savant immense ! Un grand donso ! Un des chercheurs et écrivains maliens les plus illustres ! Un professeur iconoclaste qui a su se rendre disponible pour de nombreux chercheurs et étudiants.

Il a en effet contribué à l’Institut des sciences humaines du Mali, au Centre national de la recherche scientifique de France et à la prestigieuse Sorbonne, à qualifier notre pays et ses traditions orales, à apporter le témoignage de la qualité de nos systèmes pluricentenaires de transmission des savoirs et des patrimoines.

Le Mali, ses enseignants, chercheurs et écrivains joignent leurs voix à la mienne pour saluer l’ethnologue et historien de race qui a recueilli le meilleur des matériaux sur les grands empires, avec certains des traditionnistes les plus qualifiés. Disant cela, je salue la mémoire de Wa Kamisoko, son ami, son frère et fidèle compagnon… Le Mali salue en Youssouf Tata Cissé un chercheur qui a consacré toutes ses ressources et toute son énergie à son travail et qui a publié ses travaux, ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Le travail titanesque qu’il a abattu s’est révélé être souvent un véritable combat, qu’il a livré et gagné, contre une frange d’académiciens qui ne voulaient pas reconnaître aux traditions orales la qualité de sources crédibles pour l’établissement de l’histoire africaine.

Youssouf Tata Cissé a terminé sa carrière au plus haut sommet académique.

Il est :
médaillé d’honneur du CNRS (France)
officier de la Légion d’honneur (France)
officier de l’Ordre national du Mali

I Cissé ! Tu as amplement mérité toutes ces distinctions.

Que seraient les études mandingues sans toi, que seraient les études maliennes sans toi ?

Nous sommes nombreux à avoir formulé le projet que tu puisses t’adresser à des cercles encore plus élargis. Car c’est la vocation des monuments humains comme toi, de dispenser leur savoir au sein et en dehors de l’école. Comme un grand karamako ! Car tu étais à toi tout seul une université vivante qui enseignait la connaissance de soi, en décryptant à merveille l’onomastique et la trame complexe des processus migratoires et de peuplement du Sahel. Tu pouvais parler du Mali, de Kayes à Kidal, en ethnologue dont le savoir foisonnant laissait complètement bouche ouverte ceux qui venaient à toi.

An balimaw, nous venons de perdre le plus grand historien-archiviste de notre pays. Il savait des choses sur toutes choses. L’une des marques de ce type de monument humain, c’est qu’à son contact, on ne se sent pas suffisamment intelligent, pas suffisamment de mémoire pour retenir tout ce qu’il vous raconte.

Comment cet homme a-t-il été bâti ? Formé ? Éduqué ? Où a-t-il pu capter une mémoire aussi immense ? Comment faisait-il pour être jeune avec les jeunes, pour se mettre au niveau du plus humble des disciples ? Pour être généreux et donner tout son temps à tous dans sa maison-université du boulevard Pereire ?
Dieu le Clément et Miséricordieux sait reconnaître les gens de mérite et mon « koro » ira au paradis, Incha’allah, comme tous les grands maîtres qui ont passé leur vie à transmettre leur savoir… avec générosité. Les ouvrages qu’il laisse derrière lui et ses travaux non encore publiés constituent une immense contribution pour la mémoire de nos sociétés maliennes et sahéliennes.
La charte du Mandé ou encore Manden Kalikan qu’il a mis en évidence a été reconnue par les Nations unies en 2008 comme source des droits de l’homme et inscrite depuis 2009 par l’Unesco au patrimoine immatériel de l’humanité.

Youssouf Tata Cissé, ce fut tout cela ! Et beaucoup plus encore !

Les collectifs dont je fais partie prennent l’engagement de perpétuer ta mémoire, koro Youssouf…

I Cissé ! Repose en paix !

Par Ismaïla Samba TRAORÉ,
Président du mouvement Malivaleurs
Président du collectif d’écrivains PEN Mali